Quatre sœurs est une intégrale qui regroupe quatre romans écrits en 2003 par Malika Ferdjoukh :
- Enid : l’automne;
- Hortense : l’hiver;
- Bettina : le printemps;
- Geneviève : l’été.
Quatre sœurs, c’est l’histoire de cinq orphelines : les sœurs Verdelaine. Il y a :
- Enid, 9 ans, intrépide, amie des animaux (de Roberto et Ingrid, les deux chats de la maison, mais aussi de Swift la chauve-souris et de Blitz l’écureuil) ;
- Hortense, 11 ans, toujours plongée dans un livre ou dans un de ses mystérieux carnets ;
- Bettina, 14 ans, une furie à la tignasse rousse qui peut se montrer vache et prétentieuse – notamment quand elle est avec ses amis Denise et Béhotéguy (la Division Bête et Bouchée selon Enid), mais qui finit toujours par regretter ses actes ;
- Geneviève, 16 ans, la seule blonde de la famille semble très douce à première vue, mais il faut dire que ses cours secrets de boxe thaïe l’aide à relâcher la pression ;
- et enfin, Charlie, l’aînée qui, du haut de ses 23 ans, a pris en main tout ce petit monde tout en essayant de réparer tout ce qu’il y a à réparer, d’aimer, de survivre…
Chaque tome en trois lignes…
T1, Enid : l’automne
Colombe, la fille d’une collègue à Charlie, séjourne à la Vill’Hervé pendant les vacances. Elle est sage, douce et jolie, ce qui lui attire l’amitié de tout le monde, sauf de Bettina. Pendant ce temps, Enid explore le parc à la recherche d’un mystérieux fantôme qui chante toutes les nuits de tempête.
T2, Hortense : l’hiver
Hortense se lance sur les planches pour vaincre sa timidité ! Elle peut compter sur l’inconditionnel soutien de sa nouvelle amie, Muguette. Quant à Bettina, elle fait encore des siennes auprès de Merlin, un très gentil livreur de surgelé qui lui fait la cour, mais il n’est pas assez beau pour qu’elle assume cet amour naissant…
T3, Bettina : le printemps
Hugo et Désirée, les petits cousins de Paris débarquent pendant les vacances tandis qu’un locataire un peu trop beau et un peu trop parfait vient s’installer à la Vill’Hervé et faire balancer le cœur de Charlie.
T4, Geneviève : l’été
Pendant qu’Enid et Hortense découvre Paris avec Hugo et Désirée et que la DBB part à la campagne chez une cousine de Béhotéguy, Geneviève vend des glaces sur la plage où elle fait la connaissance d’un certain Vigo.
Premier point : ces cinq sœurs. On apprend à les connaître au fil des histoires (car les romans, même s’ils portent le nom d’une des filles Verdelaine, ne se focalise pas uniquement sur le personnage éponyme), leur caractère, leurs goûts, leurs petits secrets, etc. Et on se découvre des points communs avec toutes.
Pleine d’innocence, Enid est toute mignonne avec ses animaux et son ami, le Gnome de la chasse d’eau, avec qui elle a parfois de longues conversations. Je me suis sentie très proche d’Hortense avec sa timidité, ses livres, ses carnets. Charlie est vraiment cool, elle gère tout, elle assure vraiment avec ses sœurs. Charlie se sacrifie complètement pour elles.
Bettina… Elle est tellement pimbêche qu’elle m’insupportait au début. Et finalement… je l’aime bien. Parce que c’est un personnage qui a beaucoup de défauts, mais aussi des qualités qui la rendent vraiment attachante : elle dit, elle fait des choses pour correspondre à l’image qu’elle veut que les autres aient d’elle, pour assurer auprès des amies et des copains. Elle ne réfléchit pas et le regrette plus tard. D’ailleurs, elle change beaucoup à la fin du second tome, elle est plus mature par la suite.
Finalement, celle à laquelle je me suis le moins attachée, c’est Geneviève que j’ai trouvé plus effacée que les quatre autres, même si elle gagne en importance dans le dernier tome.
Second point : si les sœurs sont géniales, tous les personnages secondaires sont tout aussi irrésistibles. Toujours bien travaillés, la plupart sont très attachants, d’autres franchement hilarants comme l’inénarrable tante Lucrèce, avec son swamp-terrier Delmer, son crooner Engelbert Humperdinck et ses malheurs insurmontables.
Basile est tellement gentil, tellement amoureux de Charlie, mais aussi de la maison et des quatre autres filles qu’on ne peut pas ne pas l’aimer.
J’ai également adoré la description du monstre de la maison : Mycroft le rat, décrit comme un bandit qui ne ressent aucune peur.
Et puis, il y a Lucie et Fred Verdelaine, les parents. Ils ont beau être morts, ils sont toujours là, apparaissant sporadiquement aux yeux de leurs filles, toujours dans des tenues extravagantes. Leurs apparitions apportent à la fois un peu de joie aux filles, mais aussi un peu d’amertume.
Troisième point : la maison me fait rêver ! Cette vieille bâtisse biscornue, ce manoir immense et grinçant de partout, juchée en haut d’une falaise au bord de l’océan Atlantique. Je l’entendais craquer lorsque le vent soufflait, je me blottissais le lit clos de Geneviève, j’encourageais Charlie lorsqu’elle se battait contre la chaudière, une vieille dame susceptible qui n’en fait qu’à sa tête, je me promenais dans son grand parc. Non, il n’y a pas à dire, c’est un endroit parfait pour les aventures d’une petite tribu.
Quatrième point : l’histoire. J’adore ces romans qui mettent en avant les relations entre sœurs (comme un autre roman lu récemment : Zelda la rouge de Martine Pouchain). Entre elles, il y a énormément de tendresse, de rires et de soutien. Des colères et des disputes aussi, ce qui est normal entre sœurs.
J’ai été totalement embarquée par ces quatre romans qui mêlent le quotidien où tout n’est pas toujours facile (entre la tenue parfois anarchique de la maison, le manque d’argent, les sœurs et les animaux à surveiller, etc.) et une fantaisie complètement folle.
Malika Ferdjoukh aborde plein de sujets : le rire et la tristesse, l’amour et l’amitié, la maladie, la perte et l’espoir… C’est toujours très fin, très juste et jamais plombant.
Cinquième et dernier point : la langue de Malika Ferdjoukh. Quelle poésie ! Quel humour ! Les expressions rigolotes fleurissent à la Vill’Hervé, les dialogues sont vifs et les noms de famille complètement loufoques. Le texte est énergique et la lecture n’en est que plus prenante.
Quand arrive la dernière page, on en redemande, on a envie de retrouver ces cinq sœurs, on rêve d’un cinquième tome intitulé Charlie.
Découvrir les Verdelaine en romans graphiques…
La tétralogie est en train d’être adaptée en romans graphiques par Cati Baur (les trois premiers tomes sont déjà sortis) et c’est très réussi !
J’aime beaucoup son trait fin et les couleurs choisies : ces BD sont vraiment très belles et toujours dans cette sensibilité présente dans les romans. L’ambiance de la Vill’Hervé est très bien retranscrite sur le papier tandis que l’histoire reste très fidèle aux livres (Malika Ferdjoukh est coscénariste).
« – … je viens de poster votre chèque, conclut tante Lucrèce. Je précise que ça m’a coûté un aller-retour à pied dans le froid alors que le docteur m’a donné l’ordre formel de ne pas mettre le nez…
– Le chèque, répéta Bettina. Elle l’a posté !
Geneviève lui fit signe de baisser la voix. Tante Lucrèce était leur cotutrice légale. Décision prise à la mort de leurs parents pour le juge qui avait trouvé la responsabilité trop lourde pour leur seule aînée. Dans la pratique, ça se résumait à un chèque de tante Lucrèce le 2 du mois, et à sa visite le 36. Situation qui convenait à toutes.
Quand Geneviève raccrocha après moult remerciements, elles s’écroulèrent avec des rires comme des hennissements.
Mais c’était un rire trop fort. Trop véhément pour être joyeux, trop puissant pour ne pas dissimuler une douleur plus puissante encore. »
« – C’est peut-être elle que tu as entendue chanter tout à l’heure dans le parc ?
Enid ne répondit rien à personne. Elle n’avait pas rêvé, elle le savait. Elle avait entendu un fantôme. Mais convaincre les grands, c’était comme vouloir qu’un chewing-gum mâchouillé une heure conserve son goût du début. »
« Pendant une seconde, Bettina se sentit exactement pareille aux autres matins, en résumé une fille plutôt pas moche, sans histoires, rien d’autre à se reprocher qu’un 4/20 en sciences ou que se trouver moins ravageuse que Renee Zellweger, bref, aussi heureuse qu’on peut l’être à treize ans et demi.
La seconde suivante la saisit d’une puissante envie de vomir. Sa tête était pleine de douleurs ; et toujours ces clous au cœur. Non, ce n’étaient plus les mêmes. Ce n’étaient plus ces clous de rage ou de colère. Plutôt de dégoût, et de honte. De culpabilité. Une question horrible se posa à elle.
Comment affronter le regard du monde aujourd’hui ? »
« Non, Bettina a un visage vif, un œil piquant, elle fait songer à du pointu, à de l’étincellant, une aiguille. Un poignard. Ciselée, séduisante, très gaffe-à-vous.
Elle sait être gentille… lorsqu’elle ne veut pas avoir l’air d’être méchante. »
« Mycroft était un rat. De la taille d’un chat. Si retors, si filou, si suprêmement intelligent qu’Hortense l’avait baptisé Mycroft Holmes, le frère de Sherlock.
Mycroft était un intermittent du spectacle : il entrait en représentation quand ça lui chantait. La dernière avait eu lieu trois mois plus tôt. Qu’avait-il fait depuis ? Mystère. Mais Charlie fut horrifiée à l’idée de partager à nouveau leur quotidien avec lui. Nul doute qu’il avait de nombreux potes dans les trous de la maison, mais eux, ils restaient discrets : ils s’esquivaient à la moindre humanité.
Mycroft était un fier-à-bras, un peur-de-rien, un m’avez-vous-vu-en-poudre-d’escampette, un ne-vous-gênez-pas-pour-moi-je-me-sers-tout-seul. Pour résumer : un Apache. »
« – Moi c’est Vigo… Je t’ai demandé si tu étais libre ce soir.
Elle répondit ce que l’on répond absurdement dans ces moments-là. Où l’on est si surpris, si heureux qu’on vous pose une question comme celle-là. Où l’on ne sait pas quoi dire, mais où il faut absolument parler, être éblouissant. Où, quelle que soit la proposition, on sait déjà qu’il y a un nombre déraisonnable de chances qu’on réponde oui.
Geneviève, donc, répondit :
– Ça dépend. »
Quatre sœurs, Malika Ferdjoukh. L’école des loisirs, 2010 (première publication en quatre volumes en 2003). 610 pages.
Awh, Quatre soeurs… ♥ Je me suis offerte l’intégrale à Noël dernier, quel plaisir de les relire au fil des saisons ! (oui parce que concrètement, lire le tome 3 en plein hiver, ça fait désordre hein)
Je suis toute aussi folle des bd par Cati Baur, dont j’aime beaucoup le dessin. Elle a parfaitement retranscrit l’atmosphère de la Vill’Hervé je trouve (qu’est ce que j’aime cette baraque bon sang, j’ai rêvé d’y passer mes vacances!)
Oui, j’adore les BD, j’ai tellement hâte que la quatrième sorte. J’ai même fait découvrir la première à Christophe et il a trouvé ça trop bien ! ^^