Une bible, ce sont les histoires de la Bible, que ce soit l’ancien ou le nouveau Testament. De la Genèse à la mort de Jésus, on retrouve toutes les histoires qui ont tant inspiré les arts. La Création, Adam et Eve, Abel et Caïn, Noé, l’Exode et Moïse, les Juges et les Rois tels que Samson, Salomon ou David, Job et Jonas, Judith et Salomé, puis Marie et Jésus-Christ, les Apôtres et les Pharisiens sont, depuis des siècles, les sources inépuisables pour les peintres, les sculpteurs, les écrivains et, à présent, les réalisateurs et scénaristes.
Mais il n’est pas ici question de morale, de conversion ou de croyance. Une bible, c’est notre culture occidentale, c’est une compilation des mythes qui ont fondés les grandes religions monothéistes, c’est une fontaine de contes comme le sont les mythologies grecques, égyptiennes ou scandinaves, pour les croyants comme les non-croyants.
(Penserait-on spontanément qu’un passionné de mythologie antique croit en ces dieux ? Non, et c’est ici la même chose pour les écrits relatifs au Dieu unique.)
Ainsi, si beaucoup d’histoires sont connues car apprises dans les tableaux, dans les livres et dans les films, Une bible m’en a également conté des nouvelles tout en m’apportant des précisions sur d’autres. Je connaissais, par exemple, l’expression « pauvre comme Job » sans en connaître la source ; voilà une imprécision de corrigée !
Pour rendre plus accessible le best-seller qu’est La Bible, plus romanesque aussi, cet ouvrage présente une grande variété dans les formes de narration, ce qui nous pousse à dévorer ses 370 pages. Citons des contes, une pièce de théâtre pour les (més)aventures de Joseph, des vers rimés pour Daniel, Misaël, Azarias et Anarias, des Dits du moustique pour l’odyssée de Moïse. Les points de vue sont donc tour à tour internes et externes. La légende de Jonas est, par exemple, racontée par un jeune marin qui assista à sa disparition dans le ventre du poisson géant ou un nain raconte celle d’Hérode, Salomé et Jean-Baptiste au cours d’un spectacle de rue avec marionnettes (les illustrations nous montrent donc les pantins en question). En revanche, le lecteur partage les émotions de Jésus lorsqu’il marche sur l’eau.
La mise en page contribue également à rendre la lecture agréable. Pas de choses farfelues, mais une utilisation judicieuse du gras, de titres pour diviser les histoires en chapitre, de paragraphes disséminés dans la page… L’espace est utilisé sans être surchargé.
La couverture n’est qu’une annonce des superbes illustrations de Rébecca Dautremer. En couleur ou en noir et blanc, en pleines pages, elles expriment tour à tour joie et souffrance avec beaucoup de douceur. Parfois torturées, parfois grandioses (comme celle de Mie enceinte flottant dans la rivière sous la Lune) ou encore parfois un peu abstraites, elles engendrent chez moi une véritable fascination.
A l’image des textes, il y a une véritable richesse dans les techniques utilisées par l’artiste : crayonnés, encres, peintures, imitations de photographies (les supplices et la crucifixion sont notamment présentées par une série de « photos » sépia), affiche… Ces histoires ont traversés les contrées et les époques et cela se voit dans les illustrations. Si Adam et Eve évoquent, avec logique, un peuple ancien, proche de la nature, et si Jean-Baptiste est vêtu d’un simple pagne, il y a souvent beaucoup de modernité dans les visages, les vêtements, les objets… L’Orient, berceau de la Bible, est présent notamment à travers les tissus colorés de Marie, de l’oiseleur ou de Judith.
J’ai eu un coup de cœur pour les représentations d’Adam et Eve : il y a beaucoup de majesté dans les premières planches et leur « déchéance » ne s’en ressent que plus intensément. Mes autres favorites : les plaies d’Égypte avec cet échassier ensanglanté par le Nil devenu fleuve de sang et ces grenouilles par milliers, les dérangeants personnages illustrant les songes de Joseph, le berceau de Moïse, iceberg de brindilles entrelacées, ou encore Jésus et sa couronne d’épines, une planche noire, sombre, douloureuse qui exsude la souffrance avec ces ronces comme des barbelés qui lui enserrent le crâne et lui bandent les yeux.
Pour finir, Une bible, c’est un objet magnifique (et cet adjectif englobe les écrits comme les illustrations) qui se dévore et qui peut être lu en continu ou repris pour un épisode seulement. Ce sont des contes poétiques que l’on peut détacher des croyances de chacun. Une autre vision des histoires peut-être les plus célèbres de la civilisation occidentale.
En bande sonore de ma lecture, Jesus-Christ Superstar. Une des meilleures comédies musicales existantes. Créée par Andrew Lloyd Webber et Tim Rice (qui a également écrit les chansons du Roi Lion, LE dessin animé. Comme quoi, il y a une cohérence dans mes goûts…), ses chansons rock et entêtantes ne m’ont pas lâchée alors que les derniers épisodes de la vie de Jésus se déroulaient sous mes yeux…
Préface de Philippe Lechermeier :
« Parce que raconter la Bible, c’est raconter notre histoire, une histoire faite de milliers de mythes, de contes et de légendes. Comment comprendre le monde sans tous ces récits ? Comment l’appréhender sans savoir qui sont Abraham, Goliath, la reine de Saba et Marie-Madeleine ? Comment décrypter l’art, l’architecture, la littérature sans connaître les fondations fabuleuses de notre société ? La Bible n’appartient pas qu’à la religion. La Bible est un bien commun. Qu’on soit croyant ou non croyant et qu’on le veuille ou non, ses mythes ont façonné nos sociétés, ils s’immiscent dans notre vie quotidienne, ils circulent dans notre inconscient. En écrivant ce texte, j’ai voulu que chacun puisse reprendre ce qui lui appartient. Une Bible n’est pas La Bible. Une Bible est faite d’histoires qui se répètent et se réinventent. Des histoires que l’on raconte. Qui nous racontent. »
Une bible, Philippe Lechermeier (textes) et Rébecca Dautremer (illustrations). Gautier-Languereau, 2014. 381 pages.