Douze histoires dans un petit village. L’on croise et recroise des personnages qui change de statut, tantôt secondaire, tantôt narrateur. Une journée qui aurait dû être banale, mais qui est ponctuée par un accident d’usine, par la disparition d’un joueur de tennis. Des personnages qui errent dans leur vie, qui dissimulent leurs secrets, leurs hontes, leurs erreurs. Qui tentent de sourire aux voisins quand tout s’écroule à la maison.
Nouvelles ? Chapitres d’un roman et d’une seule histoire ? Ce n’est pas un livre qui se lit en deux minutes entre deux stations de métro. Le lecteur doit faire preuve d’intelligence. Ne serait-ce que parfois pour comprendre qui est le narrateur (nous ne sommes pas dans Le Trône de Fer où chaque chapitre est intitulé en fonction du narrateur). Ces nouvelles sont pleines d’indices pour retracer la vie des habitants de ce village, leur passé, leurs désirs, que ce soit à travers leurs pensées ou le regard des autres sur eux.
Je ne peux pas dire que j’ai adoré ce livre car j’ai ressenti quelques longueurs parfois, mais j’ai été interpellée et j’ai eu, une fois ma lecture terminée, envie de recommencer pour mieux comprendre les premières histoires à présent éclairées par la lecture des suivantes.
Carambole est un exercice littéraire original et réussi qui se transforme en jeu pour le lecteur. Carambole est un tableau dépeignant la vie de personnages d’apparence banale. Carambole est une chasse au trésor où chaque histoire comporte son lot d’indices.
« Pourquoi je pleure ? Je pleure le monde, je ne peux pas te l’expliquer mieux. Je veux comprendre le monde, je veux que les choses restent à leur place, mais elles ne le font pas. Tout se délite, et je ne peux rien entreprendre contre cela. Donc je pleure. Une fois par semaine. Je t’en prie accorde-moi cela. »
« Deux vies comme des systèmes de souterrains infinis, deux sujets effrayés titubant dans de sombres galeries. »
« Des débuts partout. Je vois naître des étoiles, dériver des continents, apparaître de nouvelles espèces, et au beau milieu de cela, notre histoire infiniment petite. »
Carambole, Jens Steiner. Piranha, 2014 (2013 pour l’édition originale). Traduit de l’allemand (Suisse) par François Mathieu avec la collaboration de Régine Mathieu. 192 pages.