Vénus noire, de Abdellatif Kechiche, avec Yahima Torres, André Jacobs, Olivier Gourmet (France, 2009)

Vénus noireLe pitch en une phrase : la vie de Saartjie Baartman au début du XIXe siècle, une jeune femme originaire de l’Afrique du Sud et surnommée la « Vénus hottentote ».

Le sujet le laisse présager, mais il faut quand même le dire : le film est dur. L’existence menée – subie plutôt – dans les « foires aux monstres » par une jeune femme qui a été exposée, exhibée, étudiée, disséquée même, à cause de son physique (elle avait une poitrine, des fesses et des organes sexuels très développés, ce qui était intriguant, choquant pour les Européens), cela ne présage pas des parties de rigolades. (Comme dirait le criminologue du RHPS, « it was clear that this was to be no picnic »).

Et décidemment, Kechiche est le réalisateur des personnages féminins, des actrices fortes. Yahima Torres est impressionnante de crédibilité. Comment dire ? Parfois, on se dit « elle est Saartjie », ce n’est plus une actrice. L’association est très forte.

J’ai trouvé ce film très perturbant. D’abord, on ne sait pas trop quelle est la position de Saartjie Baartman au début du film: est-elle complice ou victime ? Ça devient beaucoup plus dur par la suite où on l’oblige à se prostituer, à se laisser toucher, à « animer » des soirées libertines, etc. On en vient rapidement à se demander : jusqu’où va-t-on aller ? Je n’explique pas très bien, mais ces longues scènes de tortures physiques et morales sont épuisantes psychologiquement.

Ce qui m’a troublé également – et de manière très désagréable –, c’est la sensation d’être placée dans une position de voyeur. Kechiche montre tout dans ce film. Tout montrer n’est pas forcément le plus efficace. En ce qui me concerne, j’aurais pu être beaucoup plus dérangée par le film avec des sous-entendus, les sous-entendus me marquent bien davantage, comme la pression latente de La Graine et le Mulet. Ce qui accroit ce voyeurisme, ce sont les regards. Il filme beaucoup les regards. Les regards curieux, avides, méprisants, choqués, luisants de désir, dégoutés, attristés…

Ce film est à la fois horrible, magnifiquement filmé, puissant. Un choc.

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