J’ai tué ma mère est le film qui a révélé le jeune réalisateur québécois Xavier Dolan. Celui-ci écrit le scénario à 16 ans et réalise le film à 20 ans, en le produisant faute de financements et en interprétant le rôle principal.
Hubert Minel (Xavier Dolan), 17 ans, ne supporte pas sa mère, Chantale Lemming (Anne Dorval). Sa décoration horriblement kitsch, ses vêtements, ses manières, sa manipulation et sa culpabilisation, tout l’horripile. Il tente pourtant de retrouver un temps où ils s’entendaient bien tous les deux, mais toutes ses tentatives conduisent à l’échec et creuse le gouffre entre eux. Il est épaulé par Antonin Rimbaud (François Arnaud), son amant, et Julie (Suzanne Clément), sa professeur de français. On le suit dans ses expériences (amicales, sexuelles, artistiques, etc.).
Cette histoire, en partie autobiographique donc, est vraiment centrée sur cette relation amour-haine entre la mère et le fils. Le père est absent presque tout au long du film, sauf pour prendre la décision d’envoyer son fils au pensionnat, expérience très mal vécue par Hubert.A la question « Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire « J’ai tué ma mère » ? », Xavier Dolan répondait : « C’est venu du ressentiment que j’éprouvais envers ma mère quand je vivais avec elle ; lorsque j’avais 15, 16 ans. C’est une sorte de récit librement inspiré de ce que j’ai vécu. (…) je pense que c’était pour faire la paix, pour me libérer, c’était une catharsis. » (source : evene).
Je dis amour-haine car, bien que Hubert ne supporte pas sa mère – et on s’interroge également sur son amour à elle face à sa mauvaise foi et certaines de ses actions –, certaines scènes montrent qu’il y a tout de même de l’amour entre eux, peut-être uniquement vagues réminiscences de l’amour de l’enfance. Je pense entre autres à celle où le personnage de Xavier Dolan vient se confier à sa mère et celle où Chantale se dresse contre le principal du pensionnat qui l’accuse d’avoir mal éduqué son fils. De plus, la fin du film laisse un espoir de réconciliation entre les deux.
C’est un film sur l’amour entre une mère et son fils, mais aussi sur la différence et l’incompatibilité. Cette incompatibilité, qui comme le dit Hubert ne les empêcherait pas d’être amis s’ils étaient des inconnus, rend difficile, impossible la vie en commun. Hubert ne peut se soumettre à son rôle de fils, il ne peut pas être son fils. Il est fait pour ne pas avoir de mère, mais peut-être comme lui suggère Julie, sa mère n’est pas faite pour avoir de fils.
Les dialogues percutants – et qui sonnent vrais et sincères – et les répliques incisives de Xavier Dolan servent tour à tour le côté dramatique et terrible de l’histoire et le côté humoristique. Car on rit des fois. Quant au couple Dolan-Dorval, il est tout simplement épatant.
C’est aussi une peinture très réaliste de la vie avec des détails du quotidien, mais aussi de la vie d’un jeune homosexuel. Hubert ne peut pas se confier à sa mère de peur de sa réaction. La mère d’Antonin est dans un sens montrée comme la mère idéale, face à la sienne : elle est très libérée des tabous liés à la sexualité, elle demande aux garçons de venir faire du dripping dans son bureau, elle est très proche d’Antonin, elle accueille avec plaisir Hubert chez elle et lui propose de l’héberger si ça ne va vraiment pas alors que Chantale ne veut pas qu’il invite Antonin pour dîner car elle ne veut pas faire à manger. C’est d’ailleurs elle qui révélera malencontreusement – pensant que Chantale était au courant – la liaison de leurs fils. Mais ce n’est pas un film sur l’homosexualité. Elle a une influence centrale sur ses relations avec sa mère, mais Xavier Dolan en parle d’une manière très pudique. On comprend l’amour entre Antonin et Hubert dès la première scène, avant de voir les corps enlacés. Xavier Dolan montre également l’homophobie dans le pensionnat catholique où Hubert est envoyé.
L’art est très présent, que ce soit la peinture – Hubert et Antonin peignent tous les deux, notamment lors d’une séance de dripping, hommage à Jackson Pollock –, la littérature – avec plusieurs citations de Musset –, le cinéma – il y a une affiche des Quatre Cents Coups – ou la musique par le biais d’une bande originale percutante et efficace (Noir désir de Vive la fête, Vivaldi, Surface of Atlantic). Le nom de son amant est un mélange d’Antonin Artaud et d’Arthur Rimbaud. C’est un film qui donne l’impression de s’enrichir culturellement.
Xavier Dolan montre, dès ce premier film, qu’il a tout pour être un grand réalisateur. Il analyse les relations humaines avec une finesse fascinante. Il pose avec intelligence la question suivante : doit-on aimer ses parents ? Il m’a attachée à ses personnages dans lesquels je me suis reconnue. Il m’a bluffée avec la maîtrise qu’il a, des décors, du cadrage, de la mise en scène. Tout est parfait visuellement dans ce film. Je suis restée scotchée la première fois que je l’ai vu, la seconde fois aussi, la troisième fois aussi, la…
C’est du très très grand art.
« Il n’est d’autre chose à tuer dans cette vie que l’ennemi intérieur, le double au noyau dur. Le dominer est un art. A quel point sommes-nous artistes ? »
Les autres films de Xavier Dolan :
Je ne connaissais pas ce film. J’ai hâte de le découvrir !
Je ne peux pas te promettre que tu vas adorer, je ne connais pas tes goûts. Et je n’aime pas trop que l’on me dise ça parce je m’imagine toujours des monts et merveilles et je finis par être déçue. Mais en tout cas, je te conseille vivement de le regarder.
Mes critique des deux autres films de Dolan – aussi bons que celui-là – vont suivre bientôt.
Toujours pas vu celui-ci et pourtant on ne cesse de me dire de le regarder…
Ton article est un bon rappel.
J’aime la sensibilité de Dolan et cette espèce de violence sous jacente des sentiments qu’il y a dans ses personnages. C’est percutant et beau.